La chaise à porteurs, chef d’œuvre aux origines du transport urbain

La chaise à porteurs, chef d’œuvre aux origines du transport urbain

Le château de Parentignat possède une collection rare de chaises à porteurs. Sans doute un des plus anciens moyens de transport, son origine se perd dans la nuit des temps.

Les trônes orientaux munis d’anneaux dans lesquels des barres étaient passées de façon à les soutenir et transporter les propriétaires. Les Grecs connurent le phoreion, litière plutôt que chaise, recouvert d’un baldaquin pourvu d’un matelas et d’un oreiller . Portées par quatre personnes, il était possible de s’y isoler en fermant les rideaux.

L’évolution jusqu’à la chaise à deux porteurs telle que nous les retrouvons à Parentignat semble avoir été employé pour la première fois à l’initiative de  l’Empereur romain Claude de 41 à 54 ap.J-C. Sorte de fauteuil couvert de rideaux nobles et parfois en plaques de mica ; porté par deux brancards. L’usage s’en répandit très vite pour une démocratisation rapide. A Rome s’installèrent des stations où l’on pouvait aisément louer, comme de nos jours nos voitures, un fiacre ainsi qu’une chaise et des porteurs. Ceux-ci , revêtus d’une tenue spéciale, de couleur noire ou rouge, formaient un syndicat, une corporation à part entière.

Le moyen-âge ne connut pas, semble-t-il, la chaise à porteurs. Il faudra attendre les dernières années du XVIème  siècle que réapparaisse la chaise à porteurs, avec quelques modifications. Cette fois formée d’une armature générale  plus haute que large et vitrée sur le devant et les côtés, dans laquelle le promeneur ou plus habituellement la promeneuse se tient assise.

Il se trouva bientôt au royaume de France, à l’instar à Rome, des industriels pour exploiter cette innovation très prometteuse. Jean Doucet, Regnault d’Ezanville et Pierre Petit furent les précurseurs du mouvement, auquel Marie de Médicis, Mère du Roi Louis XIV,  régente à l’époque, donna en 1617, le privilège d’organiser, à Paris, et dans les autres villes du royaume, un service de chaises à bras ou chaises à porteurs « pour y faire porter des rues à autres ceux et celles qui voudroient s’y faire porter ». Dépourvus de toitures,  ce qui sous notre climat incertain en diminuait beaucoup l’utilité : aussi leur préféra-t-on les chaises couvertes aussitôt que celles-ci furent connues, soit aux alentours de 1619, importées de Londres par le marquis de Montbrun, fils illégitime du duc de Bellegarde.

Moyen de transport peu encombrant, maniable, la chaise à porteurs fut très utilisée en Europe du XVI au XVIIIe siècle.  Sur d’autres continents elle se présente sous d’autres aspects quelque peu différents tels qu’en Inde dont la plus caractéristique est sans doute le palanquin et dont l’existence est mentionnée dès 250 av. J-C.

L’invention des fiacres, en 1640, ne fit aucunement  disparaître ses chaises de louage qui  continuèrent à être employées dans certaines classes de la société ainsi que par les prélats de l’Église. En effet cette chaise mobile possédait de nombreux avantages ; d’une part très maniable, étroite donc permettant de circuler aisément dans les rues étroites de l’époque, connaissant un trafic considérable. . Elles étaient également immédiatement disponibles car ne nécessitait aucune infrastructure autre que deux personnes pour la porter. Facile à déposer à l’intérieur même d’un bâtiment, après retrait et rangement des bâtons, sous un escalier ou comme à Parentignat, dans le vestibule du château, communément nommée »hall d’entrée» donc très économique. Elle permettait également de se protéger des intempéries, notamment de la boue et des déchets qui, à cette époque encore ignorante du système d’évacuation des eaux, jonchaient les rues.

Le Sieur de Semaize, Antoine Baudeau, dans son «  Dictionnaire des précieuses » , dira de la chaise à porteurs qu’elle  est un « admirable retranchement aux insultes de la boue et du mauvais temps ».

Les quelques désagréments tels que l’inconfort à l’intérieur du fait de l’habitacle très réduit ( notamment sous Louis XVI lors de la mode des robes à paniers) ou encore les chutes dues au manque d’expérience et de délicatesse de certains porteurs ne ternirent pas son gage de qualité.

Au prestigieux château de Versailles, les chaises à porteurs faisait  intégralement partie du paysage à l’extérieur comme à l’intérieur du palais puisque elles pouvaient être rangées jusqu’au pied de l’escalier du roi. Notamment sous Louis XIV les chaises »bleues » en référence à la couleur de la livrée du roi  pouvaient être louées. L’usage de ces chaises étant cependant strictement réglementé . Ainsi, à l’époque de Louis XIV, seule Madame pouvait pénétrer en chaise dans la salle des gardes du roi tandis que l’accès des chaises était absolument prohibé en ce lieu précieux qu’était la cour de Marbre. Nous pouvons imaginer les dames de la famille Lastic, Louise en particulier, se rendre en ces lieux en ces circonstances.

Devenant un véritable service public, en 1729 une « Ordonnance de police concernant les chaises à porteurs » sera promulguée puis en 1770, le Parlement de Paris mettra au point la première édition d’un « Arrêt de parlement portant règlement pour les chaises à porteurs ».

Seule la Révolution Française marquera un coup d’arrêt brutal à cette production florissante devenue symbole du luxe et d’une forme d’asservissement du peuple. Le XIXème siècle en détournera l’utilité première pour en faire un bel objet  d’ameublement, de décoration dans lequel on pouvait placer de petits objets derrière les vitres.

Les chaises à porteurs appartenant aux riches particuliers étaient souvent de petites merveilles de goût, de véritables bijoux d’art décoratifs  tels que le présente le vestibule du château avec ses quatre modèles uniques, ornées des monogrammes et blasons de la famille Lastic.

La Galerie des Carrosses à Versailles conserve probablement le plus bel exemplaire connu à ce jour, la célèbre « Chaise aux marines «  datant du règne de Louis XV, entièrement recouvertes de toiles peintes de scènes maritimes dans le style d’Adrien Manglard.

Nécessitant la même confrérie d’artistes que pour les voitures tels que les artisans selliers-carrossiers et peintres vernisseurs, les motifs floraux, animaliers, bordures en rinceaux et feuillages ornent les panneaux latéraux et centraux de la caisse, en particulier dans les années 1690-1720 où l’arabesque connaîtra un regain de faveur. Les divers corps de métiers impliqués tels que les menuisiers pour l’ossature en bois, les selliers-garnisseurs pour la pose du cuir, des tissus et des parties métalliques, peintres et doreurs pour l’étape finale. Ces métiers très brillants à partir du règne de Louis XIV on fait de la carrosserie française une des premières d’Europe durant les 18ème et 19ème siècles.

Portées par deux hommes grâce à deux bâtons de part et d’autre que l’on nomme des «bâtons de chaises » faisant naître l’expression consacrée « mener une vie de bâtons de chaises », chaotique comme pouvaient l’être certains trajets..! .  Une portière à l’avant permettait de s’y glisser tandis qu’une sangle, ou corde, répartissait le poids de la chaise sur les épaules de chaque porteur.

A la fin du XIXe siècle et début XXe, on découvre également un usage médical à la chaise à porteurs notamment pour les curistes de stations thermales notamment du Mont-Dore ou encore de Bourbon- l’Archambault dans l’Allier.

En 2001, la chaise à porteurs aura une nouvelle évolution sous l’inspiration de l’artiste contemporain Régis Ogor. Son exposition « 40m cube », à Rennes, permettant aux visiteurs de tester quelques instants le jour du vernissage, l’idée étant d’expérimenter ce mode de transport révolu, transposition d’époque et de culture.

Le 18 mars 2018, le blog « La Vierzonitude » lui donnera une forme humoristique comme étant  la solution alternative à la grève des cheminots..!

S’il existe un grand nombre de chaises à porteurs, rares sont les modèles du XVIIIème siècle à être conservés en France, seulement vingt-trois chaises à porteurs sont classées Monuments historiques,  le plus souvent caractérisées par la richesse de leur décor.

Voici la petite histoire de la chaise à porteurs, maillon de la Grande Histoire de France…

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Anne-François de Lastic